Jouer et enregistrer la guitare électrique sans ampli : les solutions modernes

De nos jours, il est tout à fait possible de jouer et enregistrer une guitare électrique sans recourir à un amplificateur traditionnel. De nombreuses solutions modernes – pédales spécialisées, réponses impulsionnelles (IR) et modélisateurs numériques – permettent d’obtenir un son d’ampli réaliste directement dans un casque, une interface audio ou une sonorisation. Cet article, destiné aux guitaristes de niveau intermédiaire, compare ces différentes approches « sans ampli » et leurs avantages, inconvénients et usages typiques.

L’approche traditionnelle : ampli + micro + interface audio

Avant l’avènement de ces solutions, la méthode classique pour enregistrer un son de guitare électrique consistait à brancher la guitare dans un ampli, placer un micro devant le haut-parleur, puis relier le micro à une carte son(interface audio) reliée à l’ordinateur. Sur scène, on utilise également un micro devant l’ampli pour envoyer le son dans la sono. Cette approche a longtemps été la référence pour obtenir un son authentique, car le caractère de l’ampli et du haut-parleur capté par un micro confère une couleur sonore prisée.

Cependant, cette méthode traditionnelle présente plusieurs inconvénients majeurs : d’abord l’encombrement (un ampli guitare, surtout à lampes, est lourd et volumineux, sans compter le pied de micro et autres accessoires), ensuite le volume sonore nécessaire pour faire bien sonner l’ampli. En effet, les amplis à lampes donnent le meilleur d’eux-mêmes lorsqu’ils sont poussés à un certain volume, souvent trop élevé pour une utilisation domestique. Comme le souligne un musicien professionnel, « pour obtenir un son d’enfer avec un ampli, il faut jouer assez fort, ce qui pose ses propres problèmes. De plus, l’ampli doit être capté correctement par un micro – ce qui est tout un art en soi » . Cela rend l’enregistrement maison délicat si l’on ne veut pas déranger le voisinage. Enfin, la complexité de mise en œuvre n’est pas négligeable : il faut trouver le bon placement de micro (parfois combiner plusieurs micros), gérer les câbles, éviter les bruits parasites, etc. Tout cela prend du temps et peut décourager le guitariste qui souhaite simplement s’enregistrer rapidement.

Les solutions « sans ampli » : principe et différences

Face à ces contraintes, de nombreux guitaristes se tournent vers des solutions “sans ampli”, c’est-à-dire des dispositifs permettant d’obtenir un son proche d’un ampli microphoné sans avoir d’ampli physique sur place. Concrètement, il s’agit de recréer par des moyens électroniques la coloration sonore qu’apporterait un ampli guitare et son haut-parleur, afin de pouvoir envoyer la guitare directement dans un casque, une console ou un ordinateur.

Plusieurs approches techniques coexistent : certaines pédales analogiques reproduisent le comportement d’un préampli d’ampli guitare (on les surnomme souvent “amp in a box”), tandis que d’autres appareils utilisent la modélisation numérique (émulation par logiciel du son des amplis) couplée à des IR (Impulse Responses) pour simuler le rendu d’un haut-parleur et d’un micro.

  • La modélisation consiste à imiter par des algorithmes le fonctionnement d’un ampli réel (ses étages de préampli, d’amplification, l’effet du haut-parleur…). Les pédales à modélisation et les processeurs multi-effets emploient cette technique.
  • L’IR (réponse impulsionnelle), quant à elle, est une capture numérique très précise de la courbe sonore produite par un haut-parleur de guitare, avec un micro donné et dans une acoustique donnée. En d’autres termes, c’est comme une « photo sonore » d’une configuration ampli+HP+micro. On peut ainsi appliquer cette IR à n’importe quel signal pour lui faire prendre la couleur d’un vrai baffle de guitare enregistré. Une IR intègre le son du cab, du micro et de la pièce dans tout le spectre 20 Hz–20 kHz . Grâce aux IR, on peut restituer fidèlement le son d’un baffle de guitare dans diverses situations, que ce soit pour jouer au casque ou envoyer le son à une sono, avec la même authenticité qu’un micro devant un ampli.

En quoi ces solutions diffèrent-elles d’un ampli traditionnel ? Essentiellement par leur faible encombrement (une pédale ou un boîtier tient dans un sac à dos), leur silence (on peut jouer au casque sans émettre de volume sonore dans la pièce) et leur simplicité de mise en œuvre (on branche la guitare dans la pédale ou le processeur, et on ressort en direct vers l’interface audio ou la sono, sans micros ni placements complexes). On s’affranchit des volumes élevés et on gagne en praticité. Bien sûr, le grain sonore est le fruit d’une émulation – analogique ou numérique – et certains puristes estimeront qu’il ne remplace pas totalement la “chaleur” d’un vrai ampli. Mais les progrès réalisés sont tels qu’il devient difficile de faire la différence à l’oreille dans un mix, tout en bénéficiant d’une flexibilité accrue.

Nous allons comparer ci-dessous trois grandes familles de solutions sans ampli disponibles aujourd’hui :

  1. les pédales “amp in a box” analogiques ;
  2. les pédales à simulation d’ampli avec IR intégrées ;
  3. les modélisateurs numériques multi-effets.

Pour chaque catégorie, nous verrons des exemples concrets, leurs points forts, leurs limites et les cas d’usage recommandés – de l’enregistrement à la maison au jeu sur scène sans ampli.

1. Pédales “Amp in a Box” (préamplis/overdrives simulant un ampli)

Les pédales dites “amp in a box” sont des pédales d’effet qui reproduisent le son et le comportement d’un ampli de guitare particulier. Le plus souvent, il s’agit de pédales d’overdrive/préamp analogiques conçues pour évoquer le grain d’un ampli légendaire (Marshall, Fender, Vox, etc.). On parle par exemple de Marshall in a box pour une pédale qui restitue la saturation d’un ampli Marshall Plexi, ou de Fender in a box pour un son de Fender Tweed, etc. Contrairement à une simple pédale d’overdrive générique, ces pédales cherchent à émuler la personnalité d’un ampli précis (tonalité, dynamique, compression…).

Exemple de pédale “amp in a box” : la Origin Effects RevivalDrive, un préampli/overdrive 100% analogique qui reproduit chaque étage d’un ampli à lampes classique pour offrir un son et une dynamique ultra-réalistes .

Parmi les exemples réputés, on peut citer la Origin Effects RevivalDrive (et sa version Compact) qui recrée en analogique le circuit d’amplis vintages anglais et américains. Origin Effects indique ainsi avoir reproduit « chaque étape du chemin du signal d’un ampli à lampes avec des composants analogiques » afin de délivrer un son et un ressenti de jeu authentiques . Autre exemple, la JHS AT+ (Andy Timmons Signature) est une pédale qui simule le son saturé qu’utilise le guitariste Andy Timmons – en l’occurrence inspiré d’un Marshall modifié – avec en prime un boost intégré pour pousser encore plus la saturation. Ce type de pédale se comporte comme le canal saturé d’un ampli : on y trouve généralement des réglages de gain, tonalité (équalisation) et volume, voire des commutateurs reproduisant les modes de puissance ou canaux de l’ampli émulé.

La JHS AT+, une pédale signature “amp in a box” recréant le son d’un ampli Marshall haut gain (avec un sélecteur simulant des modes 25/50/100 watts) et un boost activable pour plus de saturation. Idéale pour obtenir le son d’Andy Timmons sans avoir son ampli.

Points forts : les amp-in-a-box offrent un son très typé “ampli” dans un format pédale pratique. Souvent analogiques, elles présentent une réponse dynamique naturelle (elles réagissent bien à l’attaque et au volume de la guitare, comme un vrai ampli). Elles sont en général simples d’utilisation – on tourne quelques potards comme sur un ampli, pas de menu ou de programmation complexe. Elles peuvent s’intégrer facilement à un pedalboard existant : beaucoup de guitaristes les utilisent comme source de saturation principale sur un ampli neutre (par ex. on branche la pédale dans le canal clair d’un ampli sur scène, pour retrouver le grain souhaité). En home-studio, on peut aussi les utiliser directement branchées dans une interface audio, en particulier pour enregistrer des guitares saturées de qualité sans ampli réel.

Limites : par nature, ces pédales sont monotimbrales – elles imitent un type de son d’ampli. Si l’on veut couvrir plusieurs registres (par exemple du Fender clean et du Marshall saturé), il faudra posséder plusieurs pédales différentes ou accepter de ne pas pouvoir changer radicalement de son. Par ailleurs, elles n’embarquent généralement pas de simulation de haut-parleur. Or, un baffle de guitare filtre beaucoup de fréquences aiguës ; si on envoie la pédale directement dans une sono ou une interface sans aucune simulation de HP, le son risque d’être agressif et peu réaliste. Il est donc souvent nécessaire d’ajouter une simulation de cabinet (par exemple un chargeur d’IR sous forme de pédale ou plugin logiciel). Certains musiciens utilisent par exemple une Two Notes Torpedo CAB M, un DSM Simplifier ou un Mooer Radar en aval de leur pédale amp-in-a-box pour cette raison. « Suivant la pédale, elle peut ou non intégrer une simulation de cab ; sinon, il faut utiliser un appareil séparé (comme le Torpedo CAB M) pour reproduire l’effet du haut-parleur » explique un utilisateur . C’est un coût et une complexité supplémentaires. Enfin, ces pédales ne comportent pas d’effets intégrés (hormis la saturation propre de l’“ampli”), il faut donc ajouter reverb, delay, etc. séparément si on le souhaite.

Cas d’usage typiques : les pédales amp-in-a-box conviennent bien au guitariste qui recherche un son d’ampli précis et s’en contente, tout en voulant se passer dudit ampli. Par exemple, si vous adorez le son d’un Marshall JCM800 poussé à fond, une pédale spécialisée pourra s’en rapprocher sans avoir besoin du vrai ampli. En enregistrement maison, couplée à une IR de baffle dans votre logiciel, elle permet d’obtenir de très bonnes pistes de guitare en silence. Pour la répétition silencieuse, on pourra l’utiliser avec un casque via une petite table de mixage ou une interface audio qui ajoute la simulation de cab. En live sans ampli, il est possible d’envoyer une amp-in-a-box directement dans la console, à condition d’insérer soit une pédale de simulation de HP, soit de faire confiance à l’ingénieur du son pour appliquer une émulation de cab. Une configuration courante est d’inclure la pédale “ampli” dans son pedalboard et de la brancher dans une petite tête d’ampli de puissance (comme les Pedal Baby, Seymour Duncan PowerStage) reliée à un baffle guitare sur scène, tout en envoyant en parallèle le signal dans une DI avec simulation de cab pour la façade – cela permet d’avoir un retour sur scène tout en gardant un setup compact. Néanmoins, pour des utilisations live plus polyvalentes ou silencieuses, les catégories suivantes apportent des solutions plus complètes.

2. Pédales à simulation d’ampli et IR intégrées (Strymon Iridium, UA Dream 65, etc.)

Cette deuxième catégorie regroupe les pédales numériques tout-en-un qui intègrent à la fois une modélisation d’ampli ET une simulation de haut-parleur (le plus souvent via des IR). Leur vocation est de se substituer entièrement à un ampli : vous les placez en fin de chaîne sur votre pedalboard (éventuellement précédées de vos pédales d’effets favorites), et vous pouvez envoyer leur sortie directement vers une entrée ligne (carte son, console, enceinte FRFR) ou un casque, avec un son complet d’ampli + baffle, en stéréo pour certaines. Elles diffèrent des amp-in-a-box par la présence d’un traitement du son de l’enceinte – ce qui les rend plug-and-play pour une utilisation en direct.

La Strymon Iridium, pédale de modélisation compacte qui offre trois amplis mythiques (Fender Deluxe “Round”, Vox AC30 “Chime”, Marshall Plexi “Punch”) et neuf cab IR, avec un contrôle de “Room” pour ajouter l’ambiance d’une pièce. Cette pédale permet d’« envoyer de splendides sonorités d’amplis stéréo et des baffles réalistes directement vers une interface d’enregistrement ou une sono, en vous épargnant la corvée de sonorisation d’amplis »

Parmi les pédales emblématiques de cette gamme, on trouve la Strymon Iridium (sortie en 2019) qui a popularisé le format. Elle propose 3 modèles d’amplis (type Fender Deluxe Reverb, Vox AC30 et Marshall Plexi) et 9 IR de cabinetssélectionnés pour coller à ces amplis, plus une simulation de la réverbération de pièce . La Universal Audio UAFX Dream ’65 Reverb Amplifier est un autre exemple récent : cette pédale reproduit fidèlement le son d’un Fender Deluxe Reverb de 1965 (combo 1×12” légendaire) avec sa reverb à ressort et son tremolo. Elle offre quelques options de personnalisation (choix entre plusieurs haut-parleurs virtuels, un boost et des mods “amp” activables) pour couvrir divers sons typés Fender. On peut également mentionner la Walrus Audio ACS1, concurrente de l’Iridium, qui simule trois amplis (Fender, Vox, Marshall) et permet de charger des IR personnalisées, ou encore la série Two Notes CAB M+ qui, après mise à jour, inclut un préampli guitare en plus de la simulation de baffle. Ces pédales marient souvent la simplicité d’utilisation d’un ampli (quelques potards de tonalité, gain, volume) avec la puissance de la convolution par IR pour le rendu du baffle.

La Universal Audio Dream ’65 reprend le son du Fender Deluxe Reverb 65 – l’un des amplis les plus enregistrés de l’histoire – en incluant sa reverb à ressort et son vibrato, ainsi que trois simulations de haut-parleurs (sélectionnables via le mini sélecteur Speaker). Ce type de pédale offre une solution prête à l’emploi pour le studio comme pour la scène.

Points forts : ces pédales “amplificateur virtuel” fournissent une solution complète et immédiate. Contrairement aux amp-in-a-box, pas besoin d’appareil additionnel pour le cab : vous branchez votre guitare d’un côté, et de l’autre sort un son d’ampli abouti, utilisable tel quel en enregistrement ou sur scène. Elles sont généralement optimisées pour une utilisation directe : par exemple, l’Iridium intègre un léger filtre de room et peut sortir en stéréo, ce qui sonne très naturel au casque ou sur des enceintes de monitoring. L’expérience utilisateur est souvent très simple – à dessein : on sélectionne un modèle d’ampli, un cab, on règle le gain et l’EQ comme on le ferait sur un combo traditionnel. On retrouve donc la facilité de réglage d’un ampli physique, sans les inconvénients logistiques. La qualité sonore obtenue est aujourd’hui très convaincante : les modélisations capturent de mieux en mieux le comportement des lampes, et les IR assurent une restitution fidèle des HP et micros. En situation de mix ou de live, il est très difficile de distinguer une guitare enregistrée via une bonne pédale de simulation d’une prise micro sur un ampli, tant que les réglages sont bien faits. Pour l’utilisateur, ces pédales offrent un énorme gain de temps et de flexibilité. On peut ainsi « placer la pédale sur son pedalboard et envoyer de splendides sons d’amplis et de baffles réalistes directement vers l’interface ou la sono, sans avoir à trimbaler ou à microphoner des amplis » . En outre, leur taille réduite et la possibilité de les alimenter en 9V comme les autres pédales les rendent faciles à intégrer dans un rig existant. Beaucoup possèdent aussi une sortie casque ou une entrée auxiliaire pour jouer sur de la musique, ce qui les rend idéales pour la pratique silencieuse.

Limites : malgré leur qualité, ces pédales restent limitées en choix sonores comparé aux gros processeurs numériques. On dispose en général de quelques simulations d’amplis (de un jusqu’à trois ou quatre) – on est loin des dizaines de modèles qu’offrent les multi-effets. Si vous voulez sortir complètement de l’esthétique des amplis proposés, ce n’est pas possible (par exemple, la Dream ’65 ne fera jamais du Mesa Boogie hi-gain, et l’Iridium ne propose pas de son Fender Twin, seulement un Deluxe qui crunch vite). Autre limite : peu d’effets intégrés. Mis à part la réverbération pour les modèles qui simulent des amplis à reverb (ou éventuellement un léger boost/tremolo dans la Dream), il n’y a pas de delay, pas de modulation etc. Il faudra donc conserver des pédales d’effets externes ou en ajouter via votre logiciel séquenceur. D’autre part, le prix de ces petites boîtes reste conséquent – ce sont des produits “haut de gamme” souvent : autour de 300–450 € en neuf pour la plupart (une Iridium ou ACS1 se trouve vers 400 €, la UA Dream 65 environ 430 €…). À ce tarif-là, on n’est pas très loin des multieffets compacts qui en font encore plus, d’où l’importance de bien cerner son besoin. Enfin, si vous désirez changer de réglages entre plusieurs morceaux, ce n’est pas aussi simple qu’avec un modélisateur à presets : ces pédales ont parfois une mémoire de favori (l’Iridium a un switch Fav pour rappeler un réglage sauvegardé), mais pas de banques programmables à la volée – à l’exception de la UA (qui, via une appli mobile, permet de sauver des presets et en charger d’autres, quoique pas en temps réel sur la pédale même). Elles conviennent donc surtout à ceux qui gardent une config similaire tout du long et font les ajustements manuellement, comme avec un vrai ampli sur scène.

Cas d’usage typiques : la pédale de simulation d’ampli est sans doute la solution rêvée pour le home-studio du guitariste. Si vous voulez enregistrer à la maison sans bruit, avec un vrai son d’ampli, ces pédales sont extrêmement efficaces : on les connecte à l’entrée instrument de son interface audio, et on récupère un signal traité impeccable, prêt à être enregistré, en stéréo si on le souhaite. Plus besoin de tester dix placements de micro – le son obtenu est constant et de qualité. Pour la composition/maquette, c’est idéal : on allume la pédale et on joue, sans config logiciel lourde. En répétition silencieuse, ces pédales brillent également : vous pouvez jouer au casque avec un son très réaliste, ou brancher la sortie dans une enceinte FRFR ou une petite sono de répétition. De nombreux utilisateurs de l’Iridium l’apprécient pour jammer la nuit sans réveiller la famille, tout en ayant l’impression de jouer sur un vrai ampli. En live “zero ampli”, ces solutions commencent à se répandre aussi – typiquement dans les contextes où la simplicité et la consistance priment (groupes dans des petites salles, musiciens de louange, tournées où l’on doit voyager léger…). Il suffit de poser la pédale sur le pedalboard et d’envoyer ses sorties vers la console façade (souvent via une DI stéréo). On bénéficie d’un son de guitare cohérent d’une date à l’autre, sans dépendre de l’ampli du backline ou des aléas de micro. Pour le retour, le guitariste utilise des in-ear monitors ou le retour de scène. Côté façade, l’ingénieur du son est gagnant car le son de guitare est maîtrisé en volume et déjà « mix ready » (pas de repisse de micro ni de variation). Bien sûr, sur scène, ne pas avoir de vrai ampli peut perturber au début (absence de vibrations dans le dos, etc.), mais beaucoup s’y habituent pour les bénéfices que cela apporte. En résumé, les pédales de modélisation type Iridium ou Dream conviennent à ceux qui veulent la simplicité d’un bon ampli fixe, sans l’ampli, et qui n’ont pas besoin d’une multitude de sons différents dans un même set.

3. Modélisateurs numériques multi-effets (HX Stomp, Headrush MX5, Mooer GE200, etc.)

La troisième famille de solutions regroupe les appareils numériques multi-modèles, c’est-à-dire les pédaliers ou unités de type “multi-effets à modélisation d’amplis”. Il s’agit de successeurs modernes des racks d’effets et simulateurs numériques apparus dans les années 90 (Line 6 Pod, etc.), bénéficiant des énormes progrès en puissance de calcul. Ces appareils — qu’ils prennent la forme de pédales compactes ou de pédaliers plus grands — embarquent des dizaines de simulations d’amplis, de baffles et d’effets, couvrant ainsi un très large panel de sons. Ils permettent de construire des presets complets (chaînes de sons avec ampli, cab, effets) et de les rappeler instantanément en live. Les exemples cités par l’utilisateur sont le Line 6 HX Stomp, le Headrush MX5 et le Mooer GE200, mais on pourrait également mentionner le Boss GT-1000 Core, le Neural DSP Quad Cortex, ou le HeadRush Gigboard… Dans l’esprit, tous offrent une proposition similaire : une boîte à outils numérique pour guitariste, très polyvalente tout en restant transportable.

Le HeadRush MX5 est un modélisateur compact à écran tactile couleur. Il contient une bibliothèque complète de modélisations d’amplis, de baffles (IR chargeables) et d’effets, combinables à volonté. Malgré sa puissance, il reste facile à utiliser : « super compact mais bourré de réalisme, idéal pour le bureau, le studio et la scène. Son écran tactile 4” rend la création de sons incroyablement simple – on touche, on glisse, et on crée son tone en un rien de temps » .

Points forts : le maître-mot ici est la polyvalence. Ces modélisateurs permettent d’accéder à une immense palette de sons dans un seul appareil. Par exemple, le HX Stomp intègre la même base sonore que le Helix de Line6 : plus de 80 amplis modélisés, une centaine d’effets, des dizaines de baffles et micros virtuels. On peut ainsi passer d’un son clair Fender à un gros lead Mesa, avec en prime des delays, reverbs, chorus, etc., le tout sans changer de matériel. Pour le musicien qui joue des covers ou des compositions variées, c’est l’idéal – chaque morceau peut avoir son preset d’effets et d’ampli personnalisés. Par rapport aux pédales précédentes, on gagne en contrôle et souplesse : on peut sauvegarder des presets et les rappeler par un simple tap du pied. En studio, on peut ajuster finement chaque paramètre et même re-amper via l’USB pour changer d’ampli après coup. De plus, ces appareils incluent toutes les connexions nécessaires pour un usage moderne : presque tous ont une sortie casque dédiée, des entrées auxiliaires, une connectivité USB audio (pour servir d’interface d’enregistrement directe), et souvent une boucle d’effet pour intégrer d’autres pédales ou utiliser la méthode des 4 câbles avec un ampli traditionnel. On peut également charger ses propres IR de baffle pour affiner le son . Côté son, les meilleurs modélisateurs actuels offrent une qualité remarquable : les moteurs de modélisation de Line6, Fractal Audio, Neural DSP, etc., sont très aboutis et utilisés par des pros en tournée. Un processeur comme le HX Stomp offre une vaste librairie d’amplis et de baffles, tweakables à volonté, et combinables quasiment sans limite . En termes d’usage nomade, ces unités sont souvent robustes et compactes (le HX Stomp ou le MX5 pèsent aux alentours de 800 g à 1,5 kg). Le HeadRush MX5 par exemple ne fait que 1,6 kg et rentre dans un sac à dos, « ce qui n’a jamais été aussi facile pour emmener les meilleurs rigs vintage ou modernes en répétition, en concert ou en enregistrement, sans vous casser le dos » . Dernier point fort : ces multi-effets peuvent aussi servir de multi-outils – boîtier de direct sur scène, interface audio chez soi (ex : HX Stomp en USB 24bit/96kHz ), etc., ce qui en fait un investissement tout-en-un.

Limites : la polyvalence extrême a pour contrepartie la complexité. Même si des modèles comme le MX5 innovent avec un écran tactile pour simplifier l’édition, il n’en reste pas moins que ces engins demandent du temps d’apprentissage. Pour un guitariste peu à l’aise avec la technologie, se plonger dans les menus, les chaînes de signal virtuelles et les paramètres en pagaille peut être intimidant. La création de presets et l’équilibrage des volumes, par exemple, peuvent prendre des heures. En situation de jeu, il faut parfois naviguer entre les modes (preset vs stompbox…) – bref, c’est moins direct qu’un ampli où l’on tourne le bouton de volume. Par ailleurs, certains modélisateurs compacts ont des limitations de ressources : le HX Stomp ne peut faire tourner qu’un nombre limité de blocs d’effets à la fois (environ 6 à 8 blocs selon la complexité) – cela couvre la plupart des besoins classiques, mais un gros patch avec deux amplis stéréo, de multiples delays et reverbs haute qualité pourrait saturer son DSP. Idem pour le Mooer GE200, aux modélisations un peu moins réalistes et aux effets moins nombreux (mais son successeur GE250 ou GE300 corrige cela). On notera aussi que, malgré les progrès, certains guitaristes perçoivent toujours une légère différence de feeling par rapport à un ampli ou aux pédales analogiques (latence minime, rendu des potards de volume guitare parfois différent). C’est de moins en moins vrai, mais cela dépend des préférences personnelles. Enfin, comme pour tout appareil numérique, le prix augmente viteavec les fonctionnalités : si le GE200 est abordable (~300 € neuf), un HX Stomp tourne autour de 600 €, et des unités haut de gamme comme le Neural DSP Quad Cortex dépassent les 1500 €. Toutefois, à performances comparables, un pédalier numérique revient souvent moins cher qu’un ensemble ampli + baffle + pédales équivalent.

Cas d’usage typiques : le modélisateur numérique est un couteau-suisse qui peut s’adapter à presque tous les contextes. En home studio, il brille par sa capacité à enregistrer en direct n’importe quel son de guitare qu’on imagine, sans avoir à posséder tous les amplis et pédales physiquement. Pour un guitariste intermédiaire qui aime expérimenter, c’est un paradis : on peut tester des enchaînements d’effets improbables, passer d’un ampli à l’autre instantanément, etc., le tout au casque pour travailler à toute heure. En répétition, il permet d’arriver juste avec sa guitare et son pédalier, de se brancher sur la console ou une enceinte, et d’avoir tous ses sons sous le pied (plus besoin de transporter l’ampli lourd). Pour le live sans ampli, ces solutions sont très prisées des professionnels : de plus en plus de tournées se font avec des pédaliers type Helix, Kemper ou Fractal, envoyés dans la sono, parce que c’est fiable, constant et modulable. On peut préparer un set entier avec des sons précis pour chaque chanson. Sur scène, ces unités peuvent contrôler aussi d’autres appareils MIDI, ou même servir de carte son pour des samples, etc. En somme, elles conviennent parfaitement aux guitaristes exigeants qui ont besoin de polyvalence. Attention toutefois à bien s’organiser : en live, on utilisera souvent un pédalier de contrôle (sauf pour les formats déjà pédaliers comme le MX5) et on devra faire des balances en amont pour que les presets sonnent bien dans le mix. Pour un usage plus basique (par exemple, un guitariste qui reste toujours sur un son de base), un multi-effet est peut-être “trop” d’options – la simplicité d’une pédale dédiée peut alors être préférable. En termes de mobilité, ces multi-effets sont généralement très faciles à transporter comparé à un ampli : tout tient dans un sac, et certains fonctionnent même sur une alimentation USB ou batterie externe, ce qui peut dépanner pour jouer n’importe où. Ils sont donc plébiscités par les guitaristes voyageant fréquemment ou les setups minimalistes.

Tableau comparatif et recommandations

Pour récapituler, voici un tableau comparant ces trois familles de solutions selon plusieurs critères importants pour l’usage guitare :

CritèresPédales “Amp in a Box”(préamp analogique)Pédales à simulation d’ampli + IRModélisateurs numériques(multi-effets)
ExemplesOrigin Effects RevivalDrive, JHS AT+, Friedman BE-OD, etc.Strymon Iridium, UA Dream 65, Walrus ACS1, Two Notes CAB M+…Line6 HX Stomp, Headrush MX5, Mooer GE200, Boss GT-1000 Core…
PhilosophieReproduire en analogiquele grain d’un ampli (surtout la saturation)Emuler en numérique un ampli + son baffle (IR) en format pédaleModéliser en numérique de nombreux amplis, baffles et effets
Qualité de sonExcellente dynamique et son « organique » d’ampli spécifique.Son très réaliste d’ampli complet, quasi indiscernable d’un vrai dans un mix .Son de haute qualité, modulable à l’infini (dépend des modèles choisis).
Polyvalence sonoreFaible : 1 seul “type” de son (un type d’ampli par pédale).Moyenne : quelques modèles d’amplis définis (1 à 3 généralement).Très élevée : dizaines d’amplis, d’effets et de configs possibles.
Besoin de simulation de HPOui, obligatoire pour son direct (via IR ou sim séparée) .Non, intégré (IR ou cab sim dans la pédale).Non, intégré (choix de cab/IR dans l’appareil).
Effets intégrésAucun (juste la saturation/tonalité de l’ampli émulé).Très peu (parfois reverb ou tremolo liés au modèle d’ampli).De nombreux effets intégrés (comp, disto, modulations, délai, reverb, etc.).
CommandesPotentiomètres simples (Volume, Gain, EQ), pas de mémoire numérique.Potentiomètres simples + éventuellement sélecteurs d’amp/cab, parfois un preset favori.Écran et menus pour éditer; mémoires de presets, contrôle aux pieds.
Facilité d’utilisationTrès simple : on branche et on règle comme un ampli (peu de réglages).Simple : approche ampli (quelques réglages), peu de programmation.Complexe au début : apprentissage nécessaire, beaucoup de paramètres.
Encombrement/transportMinimal : petite pédale légère (format pédale d’effet standard).Minimal : pédale compacte (souvent un peu plus grosse qu’une overdrive).Variable : du très compact (HX Stomp) au moyen (pedalier avec pédale d’expr.). Souvent transportable en sac.
Usage home-studioNécessite IR logicielle ou pédale de simulation en plus, mais donne d’excellents résultats pour une couleur d’ampli spécifique.Parfait pour enregistrer rapidement avec un son pro, en silence. Aisément plug-and-play en carte son .Parfait pour enregistrer avec tous types de sons. Peut servir d’interface audio. Demande un peu de préparation des presets.
Usage jeu au casqueDoit être combinée à une simulation de cab + ampli casque (ex: via l’interface audio).Direct au casque possible (sortie dédiée ou adaptateur), son stéréo souvent immersif.Direct au casque facile (sortie dédiée). Possibilité de jouer sur des playbacks (entrée auxiliaire) .
Usage live (sono)Possible mais limité à 1 son principal (à moins d’avoir plusieurs pédales). Besoin d’une DI + sim cab.Très adapté : quelques sonssélectionnables (ex: clean, crunch, lead). Sorties symétriques/DI souvent utiles. Son consistent d’un concert à l’autre.Très adapté : multiples presetspour chaque morceau si besoin. Souvent sorties ligne, parfois XLR direct. Flexibilité maximale en live (MIDI, etc.).
Adaptation sur ampli guitareUtilisée fréquemment devant un ampli clean (comme pédale de drive améliorée).Possible de la brancher dans un return d’ampli ou un power amp, en coupant la sim de cab si possible.Possible en 4-câbles ou dans le return d’un ampli traditionnel (certains l’utilisent juste pour les effets).
Fourchette de prix (€)Environ 150–400 € par pédale (selon marque, complexité).Environ 300–500 € selon modèle (milieu/haut de gamme en général).Environ 300 € (entrée de gamme) jusqu’à 1000+ € (haut de gamme). Milieu ~500–800 €.
Profil utilisateurGuitariste ayant un son fétiche d’ampli à reproduire, recherchant la simplicité et l’authenticité analogique.Guitariste voulant remplacer son ampli par une solution légère, sans sacrifier le réalisme, et n’ayant pas besoin de 50 sons différents.Guitariste ayant besoin d’une grande variété de sons et d’effets, ou souhaitant un rig tout-en-un modulable (home studio ou scène pro).

En conclusion, le choix de la solution “sans ampli” dépend avant tout de vos besoins personnels et de votre contexte de jeu :

  • 💡 Pour une utilisation home-studio majoritairement en enregistrement et pratique au casque : les pédales de simulation d’ampli (catégorie 2) ou les modélisateurs compacts (catégorie 3) sont tout indiqués. Si vous privilégiez la simplicité et un ressenti type “vrai ampli” sans passer du temps à programmer, une pédale comme l’Iridium, la ACS1 ou la Dream 65 sera idéale – on la branche et on obtient immédiatement un excellent son, prêt à mixer. En revanche, si vous aimez expérimenter avec les effets et voulez explorer de multiples sonorités, un bon multi-effet comme le HX Stomp ou le Headrush MX5 vous offrira un terrain de jeu immense pour enregistrer toutes sortes de guitares (clean ambient, gros metal, etc.), moyennant un investissement temps un peu supérieur au départ pour maîtriser l’engin.
  • 💡 Pour une utilisation sur scène (live) en “tout direct” sans ampli : demandez-vous combien de sons différents vous nécessitez pendant le concert. S’il vous en faut seulement un ou deux (par ex. un son clair et un son saturé) et que vous voulez la fiabilité absolue, une pédale de simulation d’ampli pourrait suffire – vous aurez un setup ultra-simple, avec très peu de risques de panne ou de mauvaise surprise, et un son cohérent soir après soir. Par contre, si votre set est plus complexe ou que vous voulez pouvoir passer d’un son à l’autre en un tap, le modélisateur numérique est quasiment incontournable. Il vous permettra d’avoir tous vos presets pré-programmés et même d’automatiser des changements (via MIDI par exemple). Gardez aussi à l’esprit la question du contrôle en temps réel : sur une pédale type Iridium, vous n’aurez pas de pédale d’expression pour la wah/volume, etc., alors que sur un multi-effet c’est inclus ou ajoutable. Enfin, pour la scène comme pour la répèt, si vous êtes déjà attaché à vos pédales d’effet individuelles, vous pouvez parfaitement les utiliser devant une pédale simu d’ampli (comme vous l’auriez fait sur un ampli normal) – ça se marie très bien. Avec un multi-effet, soit vous intégrez vos pédales via la boucle si l’appareil en a une, soit vous essayez d’émuler vos pédales favorites avec celles du multi (ce qui fonctionne bien dans de nombreux cas).
  • 💡 Pour un usage nomade et mobile : les trois solutions sont par nature plus portables qu’un ampli + baffle. Mais si on pinaille, les pédales (cat. 1 et 2) ont l’avantage d’être minuscules et robustes – facile à glisser dans un gigbag, et aucune configuration nécessaire. Un HX Stomp ou un MX5 tient aussi dans un sac, mais nécessite son alimentation dédiée, éventuellement une pédale d’expression séparée, etc. Donc pour voyager ultra léger (avion, train…), la solution pédale simple peut marquer un point. À l’inverse, pour un studio mobile où vous voulez pouvoir tout faire, le multi-effet prendra un peu plus de place mais remplacera à lui seul une collection entière de matériel.

Toutes ces solutions permettent d’obtenir d’excellents sons de guitare sans ampli traditionnel, avec chacune leur philosophie. Le choix doit se faire en fonction de votre profil : recherchez-vous avant tout la simplicité “plug-and-play” d’un bon ampli fixe, ou bien la flexibilité maximale ? Préférez-vous tourner des boutons ou programmer des presets ? Avez-vous un son signature ou besoin d’explorer beaucoup de styles ? En répondant à ces questions, vous pourrez identifier la catégorie qui vous convient le mieux. L’important est qu’aujourd’hui, que ce soit pour jouer chez soi sans bruit ou pour partir en tournée sans backline, il existe une solution sans ampli taillée sur mesure pour chaque guitariste. Bonne exploration sonore !